Actualité

Conflit de juridictions en cas de transfert de la résidence habituelle de l’enfant en cours de procédure

La garde d’un enfant a été fixée chez sa mère, laquelle résidait alors en Suède. L’enfant a résidé en Suède jusqu’en 2019, date à laquelle il est parti vivre en Russie en internat. Le père a saisi le juge suédois d’une demande de fixation de la résidence habituelle de l’enfant à son domicile, en Suède.   La mère avait soulevé l’incompétence de la juridiction suédoise au motif que l’enfant avait sa résidence en Russie depuis 2019. Le tribunal a rejeté cette exception d’incompétence au motif que la résidence de l’enfant n’était pas transférée en  Russie au moment où l’instance a été introduite et a retenu la compétence des juridicions suédoises.  La Cour d’appel a  confirmé la décision.

La Cour Suprême suédoise a posé la question préjudicielle suivante : le règlement « Bruxelles II bis » doit-il être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre, saisie d’un litige en matière de responsabilité parentale, demeure compétente pour statuer sur ce litige, au titre de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, lorsque la résidence habituelle de l’enfant en cause a été transférée légalement, en cours de procédure, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la Convention de La Haye de 1996 ?

La CJUE apporte la réponse suivante dans son arrêt du 14 juillet 2022 :

En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement « Bruxelles II bis », la compétence en matière de responsabilité parentale est attribuée aux juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie. En effet, du fait de leur proximité géographique, ces juridictions sont généralement les mieux placées pour apprécier les mesures à adopter dans l’intérêt de l’enfant. En se référant au moment où la juridiction de l’État membre est saisie, cet article constitue une expression du principe de la « perpétuation du for », selon lequel cette juridiction ne perd pas sa compétence quand bien même un changement du lieu de la résidence habituelle de l’enfant concerné interviendrait en cours de procédure. Il s’ensuit que, pour autant que, au moment où la juridiction de l’État membre est saisie, l’enfant en cause a sa résidence habituelle sur le territoire dudit État membre, cette juridiction est compétente en matière de responsabilité parentale, y compris lorsque le litige implique des rapports avec un État tiers.

Toutefois, l’article 61, sous a), du règlement « Bruxelles II bis » prévoit que, dans les relations avec la Convention de La Haye de 1996, ce règlement s’applique « lorsque l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre » au moment où la juridiction compétente statue. Dès lors, si cette résidence n’est, à ce moment, plus établie sur le territoire d’un État membre, mais sur celui d’un État tiers, partie à la Convention de La Haye de 1996, l’application de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement doit être écartée au profit de cette Convention.

Ainsi, l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement cesse de s’appliquer si la résidence habituelle de l’enfant a été transférée sur le territoire d’un État tiers partie à la Convention de La Haye de 1996 avant que la juridiction compétente d’un État membre, saisie du litige en matière de responsabilité parentale, ait statué.

Aux termes de cet arrêt, la CJUE décide que la juridiction d’un État membre ne demeure pas compétente pour statuer sur la garde de l’enfant lorsque sa résidence habituelle a légalement fait l’objet d’un transfert, en cours de procédure et avant qu’elle ne statue, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la convention de La Haye de 1996. Ce sont les juridictions de ce second État qui sont compétentes.

CJUE, 14 juillet 2022, aff. C-572/21, CC

Partagez cet article sur les réseaux sociaux

menu-circle linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram